Tout commence au niveau de l'intestin
2025-12-01

« Je suis fatigué, je prends du poids, je perds mes cheveux... mais mes analyses sont normales. » Cette situation, vécue par des millions de personnes, illustre parfaitement le no man's land médical dont parle le Professeur Vincenzo Castronovo dans cet épisode enregistré au laboratoire LIMS à Bruxelles. Entre la santé optimale et la maladie déclarée existe une zone grise où les symptômes sont bien réels, mais où la médecine conventionnelle répond souvent : « Tout va bien, revenez quand vous serez vraiment malade. »

C'est précisément dans cet espace que la médecine fonctionnelle et la micronutrition trouvent leur raison d'être. Contrairement à l'approche allopathique qui attend l'apparition de lésions pour intervenir, la médecine intégrative s'intéresse au terrain biologique et aux déséquilibres nutritionnels avant qu'ils ne se transforment en pathologies irréversibles. Le Pr. Castronovo, médecin-chercheur formé en cancérologie et président du comité scientifique du LIMS, nous explique comment cette approche ancestrale réactualisée peut transformer notre rapport à la santé.

Dans cet échange riche et accessible, nous découvrons pourquoi « l'alimentation doit être la première médecine » selon Hippocrate, comment le microbiote intestinal orchestre notre immunité, et pourquoi la prévention devrait primer sur le traitement des maladies chroniques. Un parcours scientifique rigoureux au service d'une médecine du bon sens.

 

 

Analysez votre terrain biologique depuis chez vous

Vous ressentez de la fatigue, des troubles digestifs ou des symptômes inexpliqués malgré des analyses classiques normales ? Découvrez les bilans de biologie fonctionnelle pour identifier vos carences en micronutriments, évaluer votre inflammation de bas grade et optimiser votre terrain de santé.

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Présentation de l'invité

Vincenzo Castronovo incarne ce pont rare entre recherche fondamentale et pratique clinique. D'origine sicilienne, fils d'immigré italien venu en Belgique après-guerre, il a d'abord suivi une formation de technicien chimiste avant d'intégrer la faculté de médecine de l'Université de Liège. « À la fin des études de médecine, j'ai été bien plus impressionné par mon ignorance et l'incompréhension des processus de base que j'ai choisi une carrière de recherche », confie-t-il.

Son parcours académique est impressionnant : doctorat en médecine-chirurgie-accouchement, spécialisation en gynécologie-obstétrique, puis doctorat en sciences biomédicales expérimentales et thèse d'agrégation. Il a passé cinq années au National Cancer Institute aux États-Unis, où il s'est spécialisé dans l'étude de l'angiogénèse – le processus par lequel les tumeurs créent leur propre réseau sanguin. De retour en Belgique, il a créé son propre centre de recherche en cancérologie à l'Université de Liège et s'est orienté vers la sénologie diagnostique, la discipline médicale consacrée au dépistage et au diagnostic du cancer du sein.

C'est en 1995 qu'un tournant décisif s'est produit. Lors d'une conférence sur l'angiogénèse, une ancienne camarade de promotion lui parle de compléments nutritionnels capables de moduler ce processus. « Comme à l'université, on nous formate pour rejeter tout ce qu'on ne nous a pas enseigné comme des choses charlatanesques, on est toujours un peu sur nos gardes », explique-t-il. Mais sa rigueur scientifique l'a poussé à investiguer plutôt qu'à rejeter. Les extraits de cartilage de requin qu'elle utilisait fonctionnaient effectivement dans ses modèles expérimentaux en laboratoire.

Cette découverte a ouvert une porte vers un univers de connaissances scientifiques validées mais jamais enseignées en faculté de médecine : le rôle du zinc dans la réponse immunitaire, l'importance de la vitamine D au-delà du métabolisme osseux, le cycle de l'homocystéine et la méthylation, l'impact des acides gras oméga-3... « On nous avait appris comment fonctionnait un organisme vivant, on nous a appris la maladie, on n'a jamais fait le lien. Comment on passe de la santé à la maladie ? Évidemment, il y a une modification du terrain. »

Depuis 1995, le Pr. Castronovo préside le comité scientifique du laboratoire LIMS, un des laboratoires européens de référence en biologie fonctionnelle. Sa mission : sélectionner les analyses pertinentes scientifiquement validées et garantir leur rigueur méthodologique. En 2017, il a créé le diplôme universitaire MAPS (Micronutrition, Alimentation, Prévention et Santé) à l'Université Paris-Descartes, formant chaque année plusieurs centaines de professionnels de santé. Il anime également l'émission radio hebdomadaire "La nutrition selon Castronovo" sur Nutriradio.fr.

Résumé

C'est quoi la médecine fonctionnelle ?

Une approche ancestrale réactualisée

La médecine fonctionnelle est souvent confondue avec la rééducation fonctionnelle pratiquée par les physiothérapeutes. En réalité, il s'agit d'une discipline distincte que le Pr. Castronovo définit comme « une approche tout à fait, non pas innovante, mais ancestrale, réactualisée de l'approche de la santé. »

Cette médecine s'adresse aux grandes fonctions de l'organisme : digestion, détoxification, production énergétique, équilibre hormonal, immunité, qui dépendent toutes d'un environnement micronutritionnel adapté. Elle privilégie la santé non pas en opposition à la médecine allopathique, mais en complémentarité, partant du principe que « les maladies naissent parce que le terrain est permissif. »

Comprendre avant l'apparition des symptômes

L'objectif central est d'intervenir avant l'apparition de lésions tissulaires irréversibles. « Nous, avant d'arriver à ce point, qui parfois est associé à des lésions tissulaires non récupérables, on essaie d'intervenir avant, lorsque la fonction commence à péricliter », précise le professeur.

L'exemple de la thyroïdite de Hashimoto est particulièrement parlant. Cette maladie auto-immune touche majoritairement les femmes et se caractérise par la production d'anticorps contre la thyroïde. Lorsque suffisamment de cellules thyroïdiennes sont détruites, l'hypothyroïdie s'installe et nécessite un traitement hormonal substitutif à vie.

« En médecine fonctionnelle, on va tester la présence d'auto-anticorps contre la thyroïde avant l'apparition de signes hypothyroïdiens et d'aventure, si des anticorps sont présents, on va essayer de réduire ce processus pour que jamais la patiente ait une thyroïde dysfonctionnelle. » Cette approche préventive illustre parfaitement la philosophie de la médecine du terrain : agir sur les causes plutôt que gérer les conséquences.

 

Le concept de terrain : Fondement de la santé

Qu'est-ce que le terrain biologique ?

Le concept de terrain est central en médecine fonctionnelle. Il désigne l'ensemble des conditions biologiques, nutritionnelles et environnementales qui déterminent si un individu restera en santé ou développera une pathologie face aux agressions (virus, bactéries, stress, toxiques).

Comme l'explique le Pr. Castronovo avec une métaphore architecturale : « C'est un peu comme si on mettait un remboursement au garage qui était gratuit, seulement si tu arrives quand t'as la panne. » Nous entretenons nos voitures avec des révisions régulières même quand elles fonctionnent parfaitement, mais nous attendons d'être malades pour consulter.

Le terrain détermine notre susceptibilité aux maladies. Deux personnes exposées au même virus ne réagiront pas de façon identique selon la qualité de leur terrain immunitaire. Cette notion rejoint d'ailleurs les observations de Béchamp, contemporain de Pasteur, qui affirmait : « Le microbe n'est rien, le terrain est tout. »

Le rôle de l'alimentation et des micronutriments

« Nous qui sommes des organismes hétérotropes, c'est-à-dire que nous avons l'obligation d'apporter les molécules qui servent au fonctionnement de la cellule », rappelle le professeur. Notre corps ne peut synthétiser tous les nutriments essentiels : vitamines, minéraux, acides aminés essentiels, acides gras essentiels doivent être fournis par l'alimentation.

Or, le traitement industriel des aliments a considérablement appauvri notre approvisionnement nutritionnel. Le raffinage des céréales élimine la majorité des vitamines B et des minéraux. L'agriculture intensive avec l'usage massif de pesticides depuis l'après-guerre a réduit la teneur en micronutriments des fruits et légumes. Les modes de cuisson, de conservation et de transformation détruisent une partie des nutriments thermosensibles.

Cette dégradation de la qualité nutritionnelle explique en grande partie l'émergence des maladies chroniques après la Seconde Guerre mondiale. « Après la 2ème guerre mondiale, il y a eu un traumatisme important c'est qu'il y a eu un changement dramatique de l'industrie agroalimentaire avec l'avenue des pesticides utilisés massivement », contextualise le Pr. Castronovo.

L'exemple clinique : Corriger le terrain en oncologie

L'approche du terrain prend tout son sens dans le suivi oncologique. Le professeur raconte l'histoire révélatrice d'une patiente ayant terminé son traitement pour un cancer du sein. Elle demande à son oncologue ce qu'elle peut faire pour éviter une récidive. Réponse : « Profitez de la vie, faites comme avant. »

La patiente, lucide, lui répond : « Docteur, si je fais comme avant, je me retrouve dans la même condition que qui sont celles où mon cancer s'est développé, donc je ne change pas mon risque de récidive. »

En appliquant une approche nutritionnelle et fonctionnelle, correction des carences en vitamine D, rééquilibrage en oméga-3, réduction de l'inflammation chronique, le Pr. Castronovo a observé des résultats remarquables. « Ces patientes ont des comorbidités, c'est-à-dire en plus du cancer, elles sont fatiguées, elles ont un peu de pré-diabète, elles sont un peu grasse, elles ne dorment pas bien, elles sont anxieuses, et quand vous corrigez le terrain, tous ces symptômes qui sont spécifiques commencent à s'améliorer, voire disparaître. »

Microbiote intestinal : Le chef d'orchestre de notre santé

Hippocrate avait raison il y a 2400 Ans

L'un des préceptes les plus visionnaires d'Hippocrate, le père de la médecine occidentale, affirmait : « Toutes les maladies commencent au niveau de l'intestin. » Comme le souligne le Pr. Castronovo, cette observation est d'autant plus extraordinaire qu'elle a été formulée bien avant la découverte des cellules et des bactéries, qui n'ont été observées qu'à la fin du XIXe siècle grâce au microscope.

« C'est incroyable qu'il ait pu observer ça, juste par une observation de bon sens, de voir éventuellement les conséquences d'une mauvaise digestion mourraient plus vite que ceux qui avaient des selles bien moulées. »

Aujourd'hui, la science moderne valide cette intuition ancestrale. Le microbiote intestinal, ces quelque 100 000 milliards de micro-organismes qui peuplent notre tube digestif, joue un rôle déterminant dans notre santé globale, bien au-delà de la simple digestion.

Microbiote et immunothérapie : Une découverte majeure

Les recherches les plus récentes confirment l'importance du microbiote dans des domaines aussi critiques que le traitement du cancer. Le Pr. Castronovo cite une étude particulièrement éloquente sur l'immunothérapie anticancéreuse : « On a pris des souris chez qui on greffait des tumeurs, on en mettait un microbiote d'un patient qui avait un cancer fulgurant et qui ne répondait pas au traitement et la souris ne répondait pas. On prenait le microbiote chez la même souris et on lui greffait le microbiote d'un patient qui avait un bon microbiote et qui répondait et le traitement fonctionnait. »

Cette expérience démontre que l'efficacité de l'immunothérapie par anti-PD-1, l'un des traitements les plus prometteurs en oncologie moderne, dépend directement de la qualité du microbiote intestinal. Un microbiote appauvri ou déséquilibré peut rendre inefficace un traitement pourtant révolutionnaire.

Inflammation de bas grade et santé intestinale

Le microbiote joue également un rôle central dans la régulation de l'inflammation. Un déséquilibre de la flore intestinale (dysbiose) peut conduire à une hyper-perméabilité de la barrière intestinale, laissant passer des fragments bactériens dans la circulation sanguine et déclenchant une inflammation chronique de bas grade.

Cette inflammation silencieuse est impliquée dans le développement de nombreuses pathologies : maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, obésité, troubles cognitifs, maladies auto-immunes, dépression. Optimiser le terrain intestinal par l'alimentation, les prébiotiques, les probiotiques adaptés et la correction des carences nutritionnelles devient donc une priorité en médecine préventive.

Pourquoi je suis fatigué alors que mes analyses sont normales ?

Le "No Man's Land" médical

C'est sans doute la question la plus fréquente en consultation. Vous vous sentez fatigué, vous manquez d'énergie, votre sommeil n'est pas réparateur, vous avez pris du poids, votre digestion est perturbée... Votre médecin prescrit un bilan sanguin classique : numération formule sanguine, glycémie, TSH, créatinine. Résultat : tout est dans les normes.

« Le médecin, allopathe, très motivé à vous aider, va faire des bilans pour voir si vous n'êtes pas malade », explique le Pr. Castronovo. « Et la personne dit je sais pas ce que j'ai docteur, je prends du poids, je suis un peu constipé, je perds mes cheveux, j'ai pris des pilules pour les cheveux, ça marche pas, etc. Et je suis un peu déprimé. Et le test revient positif, c'est-à-dire que ses valeurs ne sont pas hors normes. Il dit écoutez, tout va bien pour la thyroïde, tout va bien au niveau de votre glycémique, etc. Qu'est-ce que vous avez ? Je sais pas. »

Cette situation crée une zone grise entre santé optimale et maladie déclarée. « Là dans cette zone entre je suis pas bien, je suis pas top, je suis pas malade, il y a un no man's land où grouillent toute série de professionnels de la santé. Il y a beaucoup charlatans qui vous promettent des choses, etc. qui sont pas validées, parfois qui marchent. Donc il y a une confusion. »

Ce que ne mesurent pas les analyses standard

Les bilans biologiques classiques sont conçus pour détecter des pathologies avérées, pas pour évaluer l'optimisation du terrain. Une TSH à 3 mUI/L est considérée comme normale (généralement entre 0,4 et 4 mUI/L), mais elle peut déjà traduire un début de ralentissement thyroïdien chez certaines personnes, surtout si elle était auparavant à 1 mUI/L.

De même, un taux de vitamine D à 25 ng/mL est considéré comme "suffisant" pour prévenir le rachitisme, mais insuffisant pour assurer une fonction immunitaire optimale, qui nécessiterait plutôt 50 ng/mL selon de nombreux experts en micronutrition.

Les analyses standard ne mesurent pas :

  • Les carences subcliniques en micronutriments (zinc, sélénium, magnésium, vitamines B)
  • L'équilibre des acides gras (ratio oméga-6/oméga-3)
  • Les marqueurs d'inflammation de bas grade (hsCRP ultra-sensible)
  • Les paramètres de méthylation (homocystéine)
  • Les marqueurs du stress oxydatif
  • La qualité du microbiote intestinal

L'apport des bilans fonctionnels

C'est précisément pour combler ce vide diagnostique que les bilans biologiques fonctionnels ont été développés. « Le fait d'avoir à disposition un outil qui permettait de vérifier de facto le statut nutritionnel ouvrait un horizon incroyablement de performance, d'efficacité, de justesse et de sûreté », souligne le Pr. Castronovo.

Ces analyses vont au-delà du simple dépistage de maladie pour évaluer l'optimisation du terrain. Elles permettent d'identifier les déséquilibres avant qu'ils ne deviennent pathologiques et d'ajuster précisément les interventions nutritionnelles.

Pour découvrir comment réaliser un bilan fonctionnel complet depuis chez vous, incluant les dosages de micronutriments essentiels, les marqueurs inflammatoires et l'analyse du stress oxydatif, consultez les solutions proposées par des laboratoires spécialisés.

Médecine basée sur les preuves ou médecine du bon sens ?

La critique de l'evidence-based medicine

La médecine allopathique moderne repose sur le paradigme de l'Evidence-Based Medicine (EBM), la médecine basée sur les preuves. Pour qu'un traitement soit validé et remboursé, il doit avoir fait l'objet d'essais cliniques randomisés en double aveugle sur de larges populations.

Cette approche, imposée par l'industrie pharmaceutique, présente selon le Pr. Castronovo plusieurs limites fondamentales :

L'homogénéisation artificielle : « La médecine allopathique ne considère pas un paramètre que nous, nous considérons, c'est-à-dire l'individualité de chacun. Nous sommes tous différents, notamment dans la manière d'éliminer les médicaments, de les transformer, de les rendre actifs ou de les inactiver. » Pour obtenir des résultats statistiquement significatifs malgré cette variabilité individuelle, il faut recruter des milliers de patients selon des critères d'inclusion très stricts, ce qui coûte des centaines de millions d'euros.

L'absence d'études pour les nutriments : Les vitamines, minéraux et autres nutriments essentiels ne peuvent être brevetés puisqu'ils existent dans la nature. Aucun laboratoire n'investira des millions pour démontrer l'efficacité d'une substance que tous ses concurrents pourront ensuite commercialiser.

L'anecdote du parachute

Pour illustrer l'absurdité de certaines applications de l'EBM, le Pr. Castronovo raconte cette discussion avec son doyen : « Écoute, est-ce qu'on a fait des études publiées démontrant qu'il était plus efficace de sauter d'un avion à 1500 mètres avec un parachute que sans parachute ? Est-ce qu'un jour on a fait une étude en disant, allez les gars, on fait une expérience, il y en a qui vont sauter sans parachute, d'autres avec parachute, on va voir si le parachute est efficace. Parce que si on ne le démontre pas, on ne pourra pas les vendre.»

Ce parallèle humoristique mais pertinent illustre que certaines interventions relèvent du bon sens biologique plutôt que de la nécessité d'un essai clinique. Si l'enseignement en biochimie explique que le sélénium est indispensable pour que la glutathion peroxydase détoxifie le peroxyde d'hydrogène dans les mitochondries, et qu'un patient présente une carence en sélénium, faut-il vraiment une étude randomisée pour justifier sa supplémentation ?

Médecine personnalisée vs médecine de masse

La médecine fonctionnelle oppose à cette approche standardisée une médecine personnalisée : « Nous avons une médecine qui est personnalisée, individualisée, qui n'est pas de masse. Chaque patient est unique, et c'est pour ça que les bilans nutritionnels et fonctionnels ont toutes leurs significations. »

Le principe est simple mais puissant : « On doit évaluer un patient, voir quels sont ses besoins, et voir quels sont les niveaux des nutriments fondamentaux en excellence et en carence. On va ne travailler que sur les paramètres qui sont perturbés. On ne va pas toucher à ce qui va bien. »

Cette approche minimise les effets secondaires (puisqu'on ne corrige que ce qui est déséquilibré) tout en maximisant l'efficacité (puisque l'intervention est ciblée sur les besoins réels de l'individu).

Faut-il prendre du sélénium pour la thyroïde ?

Le cas particulier du sélénium

Le sélénium illustre parfaitement la problématique entre médecine basée sur les preuves et approche nutritionnelle rationnelle. Cet oligo-élément est indispensable au fonctionnement de plusieurs enzymes antioxydantes (glutathion peroxydases, thiorédoxine réductases) et des déiodinases qui convertissent la T4 en T3, la forme active de l'hormone thyroïdienne.

Une carence en sélénium peut donc perturber :

  • La fonction thyroïdienne (conversion T4-T3 inefficace)
  • La protection antioxydante cellulaire
  • La réponse immunitaire
  • La fonction cognitive

Pourtant, comme le rapporte le Pr. Castronovo, il s'est heurté à des critiques : « On m'a dit, tu donnes du sélénium, il n'y a pas de preuves cliniques. » Sa réponse relève du bon sens biologique : si l'enseignement en biochimie démontre que le sélénium est nécessaire au fonctionnement mitochondrial et thyroïdien, pourquoi faudrait-il une étude pour justifier sa supplémentation chez un patient carencé ?

L'exemple de l'homocystéine et de la méthylation

Un métabolisme clé souvent négligé

Le cycle de l'homocystéine et la méthylation constituent un autre exemple de paramètre rarement exploré en médecine conventionnelle mais crucial en médecine intégrative. L'homocystéine est un acide aminé soufré intermédiaire du métabolisme de la méthionine.

Lorsque ce cycle fonctionne mal, l'homocystéine s'accumule dans le sang. Une hyperhomocystéinémie (généralement définie au-delà de 10-12 µmol/L) est associée à :

  • Augmentation du risque cardiovasculaire
  • Déclin cognitif et démence
  • Dépression et troubles de l'humeur
  • Complications de grossesse
  • Maladies neurodégénératives

Le rôle des Vitamines B

Le métabolisme normal de l'homocystéine requiert trois vitamines B essentielles :

  • Vitamine B9 (folates) : pour la reméthylation de l'homocystéine en méthionine
  • Vitamine B12 (cobalamine) : cofacteur de la méthionine synthase
  • Vitamine B6 (pyridoxine) : pour la transsulfuration vers la cystéine

« Un métabolisme qui est souvent perturbé, c'est celui de la méthionine et qui est lié à la perturbation de l'homocysteine, le cycle de l'homocysteine qui fait la méthylation », explique le professeur. « Si votre patient a une homocysteine élevée, on sait qu'il y a un souci qui pourrait contribuer à ces problèmes émotionnels, cognitifs et également à d'autres risques. »

La stratégie thérapeutique est claire : « Si on sait que l'homocysteine pourrait être bien métabolisée, a besoin d'un environnement riche en vitamines B9, B12 et B6. Et donc, on va vérifier ça. Si c'est altéré, on va corriger. »

Les polymorphismes génétiques : MTHFR

Certains patients présentent des mutations génétiques affectant le métabolisme des folates, notamment le polymorphisme du gène MTHFR (méthylène-tétrahydrofolate réductase). « On vérifiera maintenant si le taux d'homocysteine est optimisé. Si il n'est pas optimisé, on peut aller plus loin parce que certains patients ont des mutations dans les gènes qui utilisent la vitamine B9 qu'ils avaient transformé pour être utilisés. »

Dans ce cas, même avec un apport suffisant en vitamine B9, la conversion en forme active (5-méthyltétrahydrofolate) est inefficace. La solution : « On va faire cette recherche et si le patient a un polymorphisme qui fait qu'il ne transforme pas la vitamine B9, on va pouvoir donner la forme qu'il ne sait pas faire. Et là, le patient ira beaucoup mieux. On a des résultats remarquables. »

Cette approche illustre parfaitement la médecine précise et personnalisée : identification d'un déséquilibre biologique, recherche de sa cause (carence nutritionnelle ou polymorphisme génétique), intervention ciblée, vérification de l'efficacité.

Comment prévenir la récidive de cancer par la micronutrition

L'approche terrain en oncologie

L'oncologie est probablement le domaine où l'approche du terrain prend sa dimension la plus critique. Comme le souligne le Pr. Castronovo : « Quand on a un cancer c'est très tôt qu'il faut travailler sur le terrain pas quand on vous dit qu'on n'a plus rien à faire pour vous. »

Son expérience clinique en tant que sénologue l'a amené à constater que la majorité des patientes présentaient des déséquilibres nutritionnels majeurs : « Je me suis commencé à appliquer les concepts de carences micronutritionnelles, notamment je me suis rendu compte que beaucoup de patientes avaient des taux de vitamines D effondrées, n'avaient pas d'asthme d'oméga 3, avaient une inflammation de la grâce, j'ai commencé à corriger avec des résultats fabuleux. »

Les déséquilibres fréquents en Oncologie

Les patientes atteintes de cancer présentent souvent :

  • Déficit profond en vitamine D 
  • Déséquilibre des acides gras avec prédominance des oméga-6 pro-inflammatoires
  • Inflammation chronique de bas grade
  • Carences en antioxydants (sélénium, zinc, vitamines C et E)
  • Dysbiose intestinale
  • Stress oxydatif élevé

La correction de ces déséquilibres ne remplace évidemment pas les traitements oncologiques conventionnels (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie), mais elle optimise le terrain pour mieux les supporter et réduire le risque de récidive.

Les limites du système actuel et la révolution nécessaire

Un ministère de la maladie, pas de la santé

Le Pr. Castronovo porte un regard lucide et critique sur notre système de santé : « On a une médecine basée sur la maladie, on a un ministère de la maladie, on a un budget de maladie. Et pas de santé. »

Le paradigme actuel repose sur l'attente de la pathologie : « Aujourd'hui, le dogme c'est j'attends d'être malade et je serai pris en charge de moins en moins bien, surtout si je suis malade chronique. » Cette logique est économiquement absurde puisque le traitement des maladies chroniques coûte infiniment plus cher que leur prévention.

La métaphore de la tuile cassée

Le Pr. Castronovo illustre cette approche causale par une anecdote domestique : « Il y a ici des petits panneaux sur le toit et je remarque régulièrement il y a des champignons qui viennent dessus ce qui n'est pas bien donc il y a de l'humidité et je les remplace mais périodiquement ça revient donc je fais un traitement symptomatique. »

Après réflexion, il découvre qu'une tuile cassée laisse l'eau s'infiltrer, créant l'humidité qui favorise les champignons. « Ce que je vais faire je vais remplacer la plaque mais avant je vais réparer la tuile et j'aurai plus de problème donc j'ai arrêté éthiopathogénique j'ai traité le mal aux origines. »

Cette métaphore s'applique parfaitement aux maladies chroniques : traiter uniquement les symptômes (remplacer les plaques) sans corriger la cause profonde (la tuile cassée / le terrain perturbé) condamne à un traitement perpétuel.

Culture de la prévention : Changer de paradigme

Le changement nécessaire est autant culturel qu'institutionnel. Le professeur utilise une comparaison éloquente avec l'entretien automobile : « Ta voiture, elle va nickel, elle a 15.000 kilomètres et tu dois aller la mettre au garage. Pendant un jour, ça va être encombrant. Tu vas devoir trouver quelqu'un qui te conseille. Tu n'auras pas ta voiture. Tu vas payer pour que ta voiture aille aussi bien qu'avant. On a changé des trucs mais elle allait bien. Et là, tu trouves que c'est normal. »

Mais pour notre santé : « Tu veux rester en bonne santé, tu payes. Tu veux que ce soit gratuit, t'attends d'avoir la panne. »

Cette logique doit s'inverser. « Je pense que chacun d'entre nous doit se faire une raison et donner la valeur à sa santé. Il faut faire attention et se concentrer sur la valeur et pas le prix. » Un bilan de santé préventif à 200 euros semble cher, mais un nouveau smartphone à 1100 euros paraît abordable. Pourtant, la santé est irremplaçable, contrairement au téléphone.

Qui vient consulter en médecine fonctionnelle ?

Une clientèle majoritairement curative

Contrairement à l'idéal préventif, la réalité clinique du Pr. Castronovo est sans appel : « J'ai peu de patients qui viennent en prévention. En prévention moins de 5%. »

La majorité des consultations concernent des patients atteints de maladies chroniques : maladies auto-immunes, diabète, dépression, fatigue chronique, troubles digestifs, et de plus en plus de patients cancéreux. Malheureusement, beaucoup viennent tardivement : « Ils viennent quand on est parfois à la fin de la bataille en espérant que alors que quand on a un cancer c'est très tôt qu'il faut travailler sur le terrain pas quand on vous dit qu'on n'a plus rien à faire pour vous. »

Le profil type du praticien en médecine fonctionnelle

Un constat intéressant : « Qui est-ce qui a conduit les professionnels de la santé à se former et à s'intéresser à la médecine nutritionnelle et fonctionnelle ? Ce sont souvent pour ne pas dire la majorité des professeurs de la santé qui eux-mêmes ou en proche ont eu une maladie chronique qui ne s'améliore pas par la prise en charge allopathique. »

Beaucoup de médecins se tournent vers la médecine fonctionnelle après avoir constaté les limites de l'approche conventionnelle sur eux-mêmes ou leurs proches. Cette expérience personnelle de l'impasse thérapeutique les pousse à explorer d'autres paradigmes.

L'exception : Les patients en vraie prévention

Le Pr. Castronovo cite l'exemple remarquable d'un patient suivi depuis 15 ans : « Un monsieur qui a maintenant 90 ans, que je suis depuis 15 ans qui vient chaque année, on dirait qu'il en a 20 de moins, et qui explique lors d'un petit témoignage qu'il m'a fait que lui il se sent bien il ne va pas vieillir. »

Ces patients en prévention primaire, qui investissent dans leur santé alors qu'ils se sentent bien, restent minoritaires mais témoignent du potentiel extraordinaire de cette approche.

Comment passer à l'action : Conseils pratiques

Commencer par s'informer

Pour ceux qui souhaitent découvrir la médecine fonctionnelle, plusieurs ressources existent :

L'émission radio : « On peut éventuellement écouter mon émission radio hebdomadaire qui s'appelle la nutrition selon Castronovo qui donne des conseils pratiques aux pratiques », tous les vendredis sur Nutriradio.fr avec les podcasts disponibles gratuitement.

Formation professionnelle : Le diplôme universitaire MAPS (Micronutrition, Alimentation, Prévention et Santé) à Paris-Descartes forme plusieurs centaines de professionnels de santé chaque année. Un répertoire des praticiens formés sera bientôt accessible aux patients.

Réaliser un bilan fonctionnel

L'étape concrète consiste à réaliser un bilan biologique fonctionnel pour évaluer votre terrain actuel. Ces analyses incluent généralement :

  • Dosage des vitamines (D, B9, B12, B6)
  • Profil lipidique complet et acides gras (oméga-3, oméga-6)
  • Minéraux et oligo-éléments (zinc, sélénium, magnésium, fer)
  • Marqueurs inflammatoires (CRP ultra-sensible)
  • Homocystéine
  • Marqueurs du stress oxydatif
  • Selon les cas : analyse du microbiote, recherche de polymorphismes génétiques

Ces bilans permettent d'identifier précisément vos déséquilibres et de personnaliser les interventions. Vous pouvez désormais commander votre bilan fonctionnel depuis chez vous sur https://symp.co/ et recevoir vos kits de prélèvement à domicile.

Optimiser son alimentation

L'alimentation reste la pierre angulaire, comme l'enseignait Hippocrate : « L'alimentation doit être la première médecine. »

Principes de base :

  • Privilégier les aliments non transformés, biologiques si possible
  • Augmenter les apports en légumes variés et colorés
  • Choisir des sources de protéines de qualité (poissons gras riches en oméga-3, viandes élevées en pâturage, légumineuses)
  • Réduire drastiquement les sucres rapides et les produits ultra-transformés
  • Intégrer des aliments fermentés pour le microbiote (kéfir, choucroute, kombucha)
  • Utiliser des huiles de qualité (olive, colza, lin) riches en oméga-3
  • Éviter les pesticides et additifs qui perturbent le microbiote

Supplémentation ciblée

La supplémentation ne doit jamais être aléatoire mais guidée par les analyses : « Chaque patient est unique, et c'est pour ça que les bilans nutritionnels et fonctionnels ont toutes leurs significations. »

Les compléments doivent être :

  • Prescrits sur la base d'un déficit objectivé
  • Dosés de façon individualisée
  • Réévalués après quelques mois
  • De qualité pharmaceutique avec biodisponibilité optimale

Approche éthiopathogénique

Enfin, rechercher les causes profondes de vos déséquilibres :

  • Pourquoi suis-je carencé en vitamine D ? (manque d'exposition solaire, malabsorption, surpoids, polymorphisme génétique ?)
  • Pourquoi mon microbiote est-il perturbé ? (antibiotiques répétés, alimentation pauvre en fibres, stress chronique, intestin perméable ?)
  • Pourquoi ai-je cette inflammation ? (dysbiose, stress oxydatif, déséquilibre oméga-6/oméga-3, surpoids abdominal ?)

Cette recherche causale permet d'intervenir durablement plutôt que de simplement compenser indéfiniment.

Conclusion : Vers une médecine de la santé

L'entretien avec le Pr. Vincenzo Castronovo nous rappelle une évidence que notre système a oubliée : « La santé, c'est pas l'absence de nos maladies. » Entre santé optimale et maladie déclarée existe tout un spectre où la médecine fonctionnelle trouve sa raison d'être.

Cette approche, loin d'être révolutionnaire, est en réalité « ancestrale, réactualisée » et repose sur des principes de bon sens validés par la science moderne : l'alimentation comme première médecine, l'importance du terrain biologique, le rôle central du microbiote intestinal, la personnalisation des interventions.

« Ce que tu dois savoir Nicholas, c'est que déjà, pour un professeur de la santé, un médecin, moi par exemple, connaît tout ce qui est connu dans la médecine. Ce que je connais sur tout ce qui est connu, c'est une infime partie. Mais ce qui est connu par rapport à ce qui est inconnu, c'est encore plus important. » Cette humilité épistémologique est peut-être la qualité la plus précieuse d'un vrai scientifique.

Le changement de paradigme nécessaire est autant individuel que collectif. Individuellement, il s'agit de donner de la valeur à sa santé et d'investir dans la prévention plutôt que d'attendre la panne. Collectivement, il s'agit de transformer notre "ministère de la maladie" en véritable acteur de santé publique.

« J'espère que vu l'évolution économique où il y a de plus en plus de gens malades, il y a une dénatalité et donc les gens malades coûtent plus cher que ce qu'ils rapportent même s'ils sont pensionnés leurs pensions ne suffisent souvent pas à payer les soins de santé et donc il y a une prise de conscience qui va faire que le gouvernement va investir dans la prévention. »

En attendant cette évolution systémique, chacun peut déjà prendre en main son terrain biologique, comprendre ses déséquilibres nutritionnels et fonctionnels, et renouer avec les principes fondamentaux énoncés il y a 2400 ans par Hippocrate : primum non nocere (d'abord ne pas nuire) et que ton aliment soit ton médicament.

 

 

Notes de l'émission

À propos du Pr. Vincenzo Castronovo :

  • Président du comité scientifique du laboratoire LIMS (Bruxelles)
  • Fondateur de Nutriel SA (Santé par la Nutrition) en 1995
  • Créateur du diplôme universitaire MAPS (Micronutrition, Alimentation, Prévention et Santé) à l'Université Paris-Descartes (2017)
  • Animateur de l'émission hebdomadaire "La nutrition selon Castronovo" sur Nutriradio.fr

Ressources mentionnées :

  • Émission radio : Tous les vendredis sur Nutriradio.fr (podcasts disponibles)
  • Formation professionnelle : Nutri Health
  • Laboratoire LIMS : Un des laboratoires européens de référence en biologie fonctionnelle

Pour aller plus loin :

La médecine fonctionnelle repose sur une évaluation objective de votre terrain biologique. Les analyses fonctionnelles permettent d'identifier vos carences en micronutriments, vos déséquilibres inflammatoires, votre statut en oméga-3, votre taux d'homocystéine et bien d'autres paramètres essentiels à votre santé optimale.

 

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Disclaimer : Cet article a une visée informative et éducative. Il ne constitue en aucun cas un avis médical, un diagnostic ou une prescription thérapeutique. Les informations présentées ne remplacent pas une consultation auprès d'un professionnel de santé qualifié. Toute décision concernant votre santé doit être prise en concertation avec votre médecin traitant. Les compléments alimentaires et les analyses biologiques mentionnés ne sont pas destinés à diagnostiquer, traiter, guérir ou prévenir une maladie.

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