Quand on parle de performance sportive, on pense rarement à nos intestins. Pourtant, ce qu'il se passe dans notre ventre influence directement nos capacités athlétiques, bien au-delà de la simple digestion. Anthony Berthou, nutritionniste du sport et conseiller scientifique de l'application Yuka (utilisée par plus de 30 millions de personnes), lève le voile sur ces mécanismes méconnus. Co-auteur du best-seller "Le guide de l'alimentation saine" et ancien triathlète de haut niveau, il possède cette double casquette rare qui lui permet de comprendre intimement les défis des sportifs. Son expérience auprès des équipes de France et olympiques, combinée à son enseignement à l'EPFL de Lausanne, en fait une voix incontournable sur ces questions. Dans cet échange, il nous explique pourquoi même des champions comme Djokovic ou Justine Henin peuvent souffrir de troubles digestifs malgré un suivi nutritionnel pointu, et comment notre écosystème intestinal influence nos performances bien plus qu'on ne l'imagine.
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L'histoire d'Anthony Berthou avec la nutrition commence sur les terrains d'entraînement. Membre de l'équipe de France junior de triathlon, il développe très jeune une passion pour la nutrition sportive, à une époque où le sujet restait marginal. "On parlait beaucoup des pâtes, du riz, des pommes de terre pour la nutrition du sport, il y avait le dogme des glucides dans les années 80", se souvient-il. Cette curiosité précoce va façonner toute sa carrière.
Devenu nutritionniste-thérapeute et expert en micronutrition, il accumule les casquettes sans jamais perdre le fil conducteur de sa passion initiale. Son rôle de conseiller scientifique pour Yuka lui permet de toucher le grand public avec des conseils nutritionnels fondés sur la science. En parallèle, il enseigne les enjeux mondiaux 2050 à l'EPFL, où il développe une approche systémique de l'alimentation qui dépasse largement le cadre sportif. Cette vision globale intègre les dimensions écologiques, toxicologiques et même géopolitiques de nos choix alimentaires.
Son livre phare, le "Traité de la pleine santé par l'alimentation durable", représente plus de dix ans de travail et compile plus de 10 000 références scientifiques. Un travail titanesque qui témoigne de sa volonté de construire des ponts entre la science fondamentale et l'application pratique. Il intervient aussi dans sept diplômes universitaires différents, formant la nouvelle génération de professionnels.
Côté terrain, son CV impressionne : suivi d'équipes de France et olympiques en triathlon, course à pied, ski alpin, patinage artistique, canoë-kayak, cyclisme sur piste... Sans oublier les athlètes d'épreuves extrêmes qui font appel à son expertise. Après plus de vingt ans d'expérience, il possède ce recul unique pour analyser l'évolution de la nutrition sportive et ses dérives actuelles.
Oubliez l'image simpliste de l'intestin comme simple tuyau digestif. Anthony Berthou nous propose une vision radicalement différente : "On va parler vraiment d'écosystème intestinal parce qu'on a ce fameux trépied entre la muqueuse, le microbiote et l'immunité intestinale". Ces trois composants fonctionnent en symbiose et leur équilibre conditionne bien plus que notre confort digestif.
Pendant l'effort physique, notre corps fait des choix drastiques. Le sang est massivement redirigé vers les muscles actifs et les organes vitaux pour la performance. Les intestins passent alors au second plan, avec des conséquences importantes. "On estime que l'ischémie peut représenter quasiment 80% de la valeur de repos", précise Anthony Berthou. En clair, nos intestins ne reçoivent plus qu'un cinquième de leur irrigation normale pendant l'effort intense.
Le problème survient à l'arrêt de l'exercice. Le sang afflue brutalement vers les intestins, apportant avec lui une vague d'oxygène qui génère paradoxalement un stress oxydatif majeur. Ce phénomène d'ischémie-reperfusion fragilise progressivement la barrière intestinale, même chez des athlètes qui ne ressentent aucune gêne digestive pendant leurs séances.
Le concept de perméabilité intestinale reste abstrait pour beaucoup. Imaginez votre intestin comme une frontière sophistiquée qui laisse passer les nutriments tout en bloquant les substances indésirables. Chez le sportif, cette frontière subit des assauts répétés qui peuvent la rendre trop perméable.
Le piège, c'est que cette hyperperméabilité passe souvent inaperçue. "On peut avoir ce phénomène de perméabilité intestinale qui existe de manière résiduelle, et qui n'est pas forcément associée à des symptômes et à des troubles fonctionnels", explique Anthony Berthou. Un athlète peut donc développer ce problème sans jamais s'en rendre compte, jusqu'à ce que des complications apparaissent.
Les sports avec impacts mécaniques aggravent la situation. La course à pied illustre parfaitement ce phénomène : chaque foulée génère une onde de choc qui secoue littéralement nos intestins. Les statistiques donnent le vertige : "On estime qu'en moyenne, elle est de 30 à 50 % toute distance confondue, toute pratique confondue au niveau de la course à pied. Mais sur des efforts d'ultra, par exemple, on a 85 à 90 % des athlètes qui vont être sujets à des troubles digestifs".
Quand la barrière intestinale devient trop perméable, des molécules indésirables comme les lipopolysaccharides (fragments de bactéries) passent dans le sang. S'ensuit une réaction inflammatoire en chaîne qui peut se manifester de multiples façons : tendinites à répétition, infections respiratoires fréquentes, récupération difficile, baisse inexpliquée des performances...
Les découvertes sur le lien entre microbiote et performance sportive bouleversent nos certitudes. L'activité physique modérée enrichit la diversité de notre flore intestinale, particulièrement chez les enfants. Mais attention à l'excès : "On a toujours cette courbe un peu en U, c'est-à-dire qu'on voit que l'activité régulière va exercer un effet bénéfique jusqu'à un certain stade, qui peut potentiellement devenir délétère", prévient Anthony Berthou.
L'étude des marathoniens de Boston a révélé des résultats stupéfiants. Les meilleurs performers hébergeaient davantage de bactéries Prevotella dans leurs intestins. "On a observé que cette dominante de Prevotella était plutôt un facteur qui était positif, puisqu'on avait un recyclage de l'acide lactique lié à la production au cours de l'effort qui était plus efficace". Ces bactéries transforment l'acide lactique (déchet de l'effort) en acides gras utilisables comme carburant supplémentaire. Un recyclage malin qui repousse les limites de l'endurance.
Les expériences sur les souris ont confirmé ce rôle crucial du microbiote. Des souris privées de flore intestinale voient leur endurance chuter drastiquement. Réimplantez-leur un microbiote, et leurs performances reviennent. La conclusion des chercheurs est claire : "les acides gras à chaîne courte qui étaient donc issus du microbiote étaient potentiellement des substrats énergétiques secondaires qui pouvaient venir retarder l'épuisement du stock de glycogène au cours de l'effort".
La nutrition sportive actuelle file parfois un mauvais coton. La course aux glucides atteint des sommets inquiétants. "On a des recommandations parfois à 120 grammes par heure de glucides au cours de l'effort, ce qui est énorme. On a des protocoles même à 150 grammes par heure", s'alarme Anthony Berthou. Pour visualiser, 120 grammes de glucides équivalent à environ 30 morceaux de sucre !
Cette surenchère glucidique s'accompagne du concept de "gut training" : entraîner son système digestif à tolérer ces quantités astronomiques. Mais à quel prix ? "Pour avoir une capacité à tolérer de telles quantités de glucides pendant l'effort, ça sous-entend que les athlètes se mettent à consommer beaucoup de glucides dans les semaines, dans les mois qui précèdent". On habitue progressivement l'organisme à un régime hyperglucidique permanent, avec des conséquences potentiellement désastreuses sur l'écosystème intestinal.
Cette obsession des glucides fait oublier l'essentiel. La qualité des graisses consommées module l'inflammation. Les antioxydants naturels combattent le stress oxydatif généré par l'effort. "Le statut en acide gras est essentiel [...] Les apports en oméga 3 à chaîne longue, la diminution de l'acide arachidonique, d'avoir des statuts en antioxydants qui soient aussi adaptés", rappelle Anthony Berthou. Ces éléments conditionnent la capacité du corps à s'adapter à l'entraînement et à progresser.
Comment savoir si votre écosystème intestinal souffre ? Les signaux évidents incluent ballonnements, douleurs abdominales, troubles du transit. Mais Anthony Berthou attire l'attention sur des symptômes moins évidents : "C'est plus, encore une fois, l'existence de troubles digestifs [...] mais surtout ces problématiques extra-digestives chroniques d'ordre immunitaire inflammatoire, voire les perturbations hormonales, notamment sur l'altération du cycle du cortisol".
Un rhume après chaque compétition intense ? Une tendinite qui ne guérit jamais vraiment ? Une fatigue persistante malgré du repos ? Ces signaux peuvent traduire une inflammation silencieuse liée à l'hyperperméabilité intestinale. Les efforts intenses génèrent naturellement de l'inflammation : "On a une fenêtre immunitaire pendant les jours et les semaines qui suivent ce type d'épreuve". Chez un athlète en bonne santé, cette inflammation se résout rapidement. Sinon, elle persiste et mine progressivement l'organisme.
Les tests biologiques permettent d'objectiver ces dysfonctionnements : zonuline pour la perméabilité intestinale, calprotectine fécale pour l'inflammation digestive, analyse des métabolites organiques urinaires pour le fonctionnement global. Ces outils aident à sortir du flou et à adapter la prise en charge.
Anthony Berthou plaide pour une révolution dans l'approche nutritionnelle du sport. Sa vision dépasse largement le simple calcul calorique : "Tenter de modéliser un modèle alimentaire qui soit le plus résilient possible, c'est-à-dire qui va intégrer autant des enjeux de nutrition, de santé individuelle, mais aussi des enjeux [...] à l'échelle moyen et long terme, et à l'échelle collective".
Cette approche systémique peut bousculer. L'avocat, excellent nutritionnellement, pose des questions écologiques avec son bilan carbone. Le saumon, riche en oméga-3, accumule potentiellement des polluants. Ces paradoxes obligent à penser différemment.
Le message central reste simple : "Un sportif ne peut être performant qu'à partir du moment où il est en bon état de santé [...] La base, le fondamental, c'est ce qu'on va manger au quotidien". Exit la recherche du complément miracle ou de la stratégie nutritionnelle révolutionnaire. La vraie performance se construit jour après jour, repas après repas.
Comment prendre soin concrètement de son écosystème intestinal ? D'abord, miser sur la diversité alimentaire. Les fibres des fruits, légumes, légumineuses et céréales complètes nourrissent nos bonnes bactéries. Les aliments fermentés (kéfir, choucroute, kimchi) apportent des renforts probiotiques bienvenus.
Le timing des repas compte aussi. "On a beaucoup d'athlètes qui vont manger beaucoup plus, parce que l'effort amène à une dépense calorique plus importante, mais parfois de manière complètement anarchique et déstructurée", observe Anthony Berthou. Respecter des horaires réguliers et adapter ses repas aux rythmes circadiens optimise la récupération.
Les antioxydants naturels méritent une place de choix. Thé vert, cacao, baies, curcuma, gingembre... Ces aliments combattent le stress oxydatif généré par l'entraînement intensif. Ils agissent aussi sur l'expression de nos gènes et favorisent les adaptations positives à l'effort.
Enfin, soigner la qualité des graisses consommées. Privilégier les oméga-3 (poissons gras, noix, graines de lin) au détriment des oméga-6 pro-inflammatoires module favorablement la réponse inflammatoire. L'inflammation reste nécessaire pour progresser, mais elle doit rester sous contrôle.
La nutrition sportive a considérablement évolué ces dernières années. "Début des années 2000, dans les années 90, on occultait beaucoup cet aspect [...] Là où aujourd'hui, c'est devenu quelque chose, je n'ai pas envie de dire de routinier, mais quand même assez fréquent", témoigne Anthony Berthou. Le microbiote est passé du statut de curiosité scientifique à celui de facteur clé de performance.
L'avenir promet des avancées passionnantes. Imaginez des protocoles nutritionnels personnalisés selon votre profil microbien. Des souches bactériennes spécifiques pour booster la récupération ou l'endurance. Ces perspectives se dessinent déjà dans les laboratoires.
Mais Anthony Berthou tempère l'enthousiasme : "On a une course actuellement à apporter des solutions de miracle dans le monde du sport [...] J'appelle ça la cerise sur le gâteau". La vraie révolution n'est pas dans la pilule miracle mais dans le retour aux fondamentaux : une alimentation variée, de qualité, respectueuse de notre écosystème intérieur.
Anthony Berthou continue d'enseigner à l'EPFL de Lausanne et intervient dans sept diplômes universitaires. Son approche unique réconcilie performance sportive, santé individuelle et enjeux planétaires.
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(0:00 - 0:49) Merci Anthony Berthou de nous joindre ici sur ce podcast, comme je disais, j'avais envie de vous avoir notamment pour votre double casquette de nutritionniste-thérapeute, auteur aussi très connecté à la littérature scientifique, et également de sportif, plus d'un temps de haut niveau, aujourd'hui toujours sportif, mais plutôt amateur, comme vous m'avez dit. Merci de l'invitation. Et voilà, aujourd'hui j'avais envie qu'on aborde un sujet qui je pense n'est pas toujours abordé, c'est le microbiote comme lien un petit peu entre la performance, mais aussi la santé, parce qu'il y a pas mal de... il y a aussi de certains sportifs de haut niveau qui ne sont pas épargnés par les troubles digestifs, alors qu'ils sont très suivis au niveau nutritionnel. (0:49 - 2:20) Je pense que tout le monde a l'exemple de Djokovic ou de Justin Hénin dans le tennis, et je trouvais ça très intéressant de discuter un petit peu de ces mécanismes, que ce soit la perméabilité intestinale, l'inflammation, qui touchent aussi des millions de personnes qui ne sont pas sportifs de haut niveau, et de prendre un petit peu le sportif comme loop pour comprendre ces mécanismes qui touchent à la fois les sportifs de haut niveau et les non sportifs de haut niveau, et donc de parler un petit peu des mécanismes de ces mécanismes-là, et donc de parler du microbiote du sportif, et puis de parler aussi de comment repenser notre modèle nutritionnel, donc aller vers un modèle durable, que ce soit pour notre santé, mais aussi pour l'environnement. Du coup, je pense que vous avez beaucoup de choses à dire là- dessus, vous avez notamment écrit un livre sur le sujet, et puis terminer aussi sur une question que je trouvais intéressante, c'était comment développer son esprit critique face à tout ce que l'on entend sur la nutrition, on entend de plus en plus de choses, on entend parfois tout et son contraire, et donc savoir un petit peu comment est-ce qu'on se construit son propre avis là- dessus, et quelles sont un petit peu les clés pour démystifier le vrai du faux. Est-ce que ça vous va comme planning ? C'est un planning chargé ? Vaste sujet ! Peut-être que je peux vous demander de vous présenter pour nos auditeurs qui ne vous connaissent pas. (2:21 - 3:30) Oui, donc Anthony Berthou, donc effectivement je suis nutritionniste à la base, en fait je dis à la base parce que je vais expliquer après la suite de mon parcours, et j'ai connu la nutrition, effectivement en tant qu'athlète, j'ai fait partie de l'équipe de France Junior de triathlon, et dès 12-13 ans, là où certaines personnes s'intéressent à plein de thématiques autour du sport, que ce soit peut-être la préparation physique, le matériel, etc. Moi ça a été la nutrition très tôt, à une période où finalement on en parlait relativement peu. C'est vrai que, comme vous le disiez, aujourd'hui c'est un sujet d'actualité au point que ça en devienne une cacophonie, parce qu'on entend effectivement tout et tout et son contraire, mais à l'époque c'était quand même assez marginal. On parlait beaucoup des pâtes du riz, des pommes de terre pour la nutrition du sport, il y avait le dogme des glucides dans les années 80, et puis on a fortement évolué dans les connaissances par rapport à ça. On aurait peut-être l'occasion d'en parler, même si on fera un focus sur la partie du microbiote, qui est une science encore plus récente à ce niveau-là. Ça bouge beaucoup dans la science sur cette thématique, je pense qu'on va y revenir. (3:31 - 4:12) Après, je suis parti enseigner à Polytechnique à Lausanne, à l'UPFL, sur les enjeux mondiaux 2050. Donc effectivement, un sujet qui est passionnant, mais qui est très complexe, qui peut paraître anxiogène de prime abord, parce qu'on va parler effectivement d'enjeux écologiques, d'enjeux toxicologiques, géopolitiques, sanitaires, etc. Mais c'est, pour faire simple, tenter de modéliser un modèle alimentaire qui soit le plus résilient possible, c'est-à-dire qui va intégrer autant des enjeux de nutrition, de santé individuelle, mais aussi des enjeux tels que ceux que j'ai cités, à l'échelle moyen et long terme, et à l'échelle collective. (4:14 - 5:51) On a en général un parcours thérapeutique qui est orienté sur une prise en charge immédiate, ou en tout cas à court terme, et face à un individu. Donc là, c'est prendre un petit peu plus de hauteur pour se poser des questions plus systémiques, plus abstraites, mais qui sont très importantes, parce qu'effectivement ça amène parfois à confronter des recommandations. C'est-à-dire que si on prend les choses sous un angle de santé individuelle, on peut recommander certains aliments, et à l'inverse, si on regarde le versant toxicologique ou écologique, à les éviter. Je peux parler de l'avocat, du saumon, voilà, il y aura plein d'exemples qu'on pourra donner par rapport à ça. Donc je suis revenu en France par la suite, et j'ai effectivement écrit plusieurs livres, dont le traité de la pleine santé par l'alimentation durable, qui est celui auquel vous faisiez référence, qui m'a demandé à peu près un peu plus de dix ans de recherche et d'écriture, pour essayer de compiler justement tous ces facteurs, de développer de l'infiniment petit, c'est-à-dire toute l'approche micronutritionnelle, parce que c'est aussi un élément qui est important et qui a fait partie de mes spécialités, mais prendre parfois beaucoup plus de hauteur par rapport aux enjeux indiqués. Donc c'est un livre qui reprend plus de dix mille références scientifiques, donc il m'a demandé beaucoup de travail, et puis j'ai écrit des ouvrages plus vulgarisés, comme du bon sens dans notre assiette, ou le dernier qui s'appelle 41 préjugés déconstruits par un nutritionniste, qui là s'adresse vraiment au grand public par rapport à cette cacophonie, pour justement essayer d'y voir un petit peu plus clair. (5:51 - 6:31) Et j'en ai pas parlé, mais pour la partie sportive, donc effectivement j'ai suivi pas mal d'équipes de France, d'équipes olympiques, avec un tropisme dans les sports d'endurance, parce que c'est ma sensibilité de départ. Donc en triathlon, tout ce qui est course à pied, course à pied hors stade, le ski alpin, le patinage artistique, le canoë kayak par exemple, le cyclisme sur piste, et beaucoup d'athlètes sur des épreuves extrêmes, que ce soit en voile ou autre. Donc c'est vrai que j'ai un tropisme très orienté nutrition du sport, et cette approche systémique, qui sont deux thématiques différentes, mais qui finalement sont complémentaires l'une de l'autre. (6:31 - 7:02) Voilà pour me présenter. Et puis je continue à enseigner, donc en formation initiale en université, et en formation continue, dont j'interviens dans sept diplômes universitaires différents. J'ai un organisme de formation qui s'appelle la nutrition positive, ou la nutrition systémique. On a changé de nom depuis quelques temps. C'est un organisme qui propose des formations pour les professionnels de santé, les professionnels du sport, justement sur toutes ces thématiques indiquées. Super, on mettra tous les liens en description pour ceux qui s'intéressent. (7:03 - 7:44) Mais oui, on y reviendra du coup au livre, notamment sur les enjeux systémiques, parce que c'est quelque chose qui, en effet, a dû vraiment vous... vous avez vraiment dû vous creuser la tête là-dessus, j'imagine, parce que pour passer de de la micro-nutrition aux enjeux, aux enjeux presque politiques de l'alimentation, ça a dû être ça a dû être un sacré boulot. Mais on y reviendra après. Peut-être, si je peux vous demander, pour démarrer, voilà, je pense que les personnes qui nous écoutent sont assez éduquées sur le sujet, ou en tout cas ont souvent déjà écouté quelques quelques uns de nos épisodes, donc le microbiote, il commence à comprendre ce que c'est. (7:45 - 12:00) Mais donc peut-être rapidement faire un rappel dessus, si vous le souhaitez, mais je pense que ça peut être assez rapide. Ce que j'aimerais surtout comprendre, c'est comment est-ce que l'activité physique va influencer le microbiote, et essayer de comprendre un petit peu quelle est la différence quand on parle du microbiote d'un sportif à microbiote de quelqu'un qui fait du sport de manière amateur ou qui n'est pas sportif, pour ensuite aller identifier les les mécanismes qui sont en commun, mais peut-être avant d'aller sur les mécanismes en commun, peut-être comprendre un petit peu les les différences et donc l'impact que le sport a sur sur le microbiote. Oui, alors j'ai envie de dire que plus de microbiote, on va parler vraiment d'écosystème intestinal parce qu'on a ce fameux trépied entre la muqueuse, le microbiote et l'immunité intestinale, et la pratique sportive va moduler effectivement la composition du microbiote, et inversement le microbiote va potentiellement moduler les performances également, et on pourra parler des deux aspects, mais l'activité va aussi influer sur l'intégrité de la muqueuse intestinale, c'est-à-dire que et sur l'immunité, pour le troisième élément du trépied, mais si je reviens sur la muqueuse, parce que c'est peut-être le point sur lequel on peut on peut commencer, en fait, de manière inhérente à la pratique, on va avoir une ischémie mésentérique au cours de l'effort, c'est-à-dire qu'on a une diminution de l'irrigation sanguine qui est tout à fait physiologique, au sens où on va prioriser les organes qui ont besoin d'être oxygénés, qui ont besoin d'être nourris au cours de l'effort, donc typiquement sur les muscles, on va avoir un besoin de thermorégulation, donc on va avoir également une mobilisation pour assurer la transpiration au niveau des liquides, et ça va se traduire à l'inverse par une baisse d'irrigation des organes qui passent un petit peu en second par rapport à ça, par rapport aux besoins du moment, au cours de la pratique, et le système digestif a plutôt tendance à être lésé à ce niveau-là, au sens figuré du terme, même si on va voir, ça peut avoir des atteintes au sens de l'intégrité des muqueuses, mais cette ischémie va être associée à une reperfusion à l'arrêt de l'effort. On estime que l'ischémie peut représenter quasiment 80% de la valeur de repos, donc en clair, on a à peu près un cinquième de l'irrigation sanguine par rapport à la période en dehors de l'effort, et au cours de la récupération, cet afflux sanguin va être associé à un afflux d'oxygène, donc d'espèces radicales et oxygénées, et en fait ce stress oxydatif peut venir contribuer à altérer les jonctions serrées au niveau des antérocytes, et contribuer à une hyperperméabilité intestinale. Donc on a beaucoup de facteurs qui peuvent expliquer des hyperperméabilités, je pense que vous en avez déjà parlé dans d'autres podcasts et que ce soit l'alimentation, que ce soit certains traitements médicamenteux, que ce soit certains xénobiotiques, que ce soit aussi des des additifs, par exemple, qui vont être présents dans les aliments ultratransformés, il y aurait beaucoup de choses à évoquer sur les facteurs d'hyperperméabilité, mais en tout cas la pratique sportive, de manière logique, est un facteur d'hyperperméabilité, sauf que c'est pas forcément associé à une à des conséquences symptomatologiques, où on n'a pas forcément de troubles digestifs en lien avec cette hyperperméabilité, et on l'a très bien objectivé dans des sports qui n'ont pas de contraintes mécaniques liées à la pratique, parce que quand vous faites de la course à pied, par exemple, vous avez l'onde de choc mécanique, qui fait qu'au cours de la foulée vous allez aussi fragiliser le système digestif. Quand vous faites du judo, vous faites de la lutte ou autre, vous n'avez pas forcément cette contrainte, et ça va pas se traduire par des troubles digestifs pendant la pratique, mais malgré tout, on peut avoir ce phénomène de perméabilité intestinale qui existe de manière résiduelle, et qui n'est pas forcément associée à des symptômes et à des troubles fonctionnels. (12:00 - 12:53) Et normalement, cette perméabilité, elle est transitoire, elle est minime, sauf qu'effectivement, quand vous allez la rajouter à d'autres facteurs d'altération, comme ce que j'ai cité là rapidement tout à l'heure, on peut basculer dans un foyer d'initiation d'une inflammation systémique de bagrade, avec un passage de LPS, de l'hypopolyse saccharide, qui vont venir initier la réponse macrophagique, et donc potentiellement cette inflammation de bagrade, et qu'il y ait de troubles digestifs à l'effort ou pas. J'insiste très bien sur ce mécanisme, sur ce point, parce que vous avez des athlètes qui n'ont aucun souci pendant leur séance, mais pour autant, qui sont sujets à cette inflammation associée en fait à... en fait, c'est la régularité, c'est la répétition de cette alternance d'ischémie et de reperfusion, qui peut vraiment fragiliser la muqueuse. Donc ça, c'est le premier point. (12:54 - 14:12) Après, il y aurait beaucoup de choses à développer, c'est-à-dire que quand on parle de nutrition, du sport, on a aussi des réponses conventionnelles, sur le fait de terminer, par exemple, le repas plusieurs heures avant la séance, pour justement faire en sorte que le système digestif ait quasiment terminé son travail. Mais là, on n'est plus dans une réponse court terme, qui va être de faciliter le confort digestif pendant la séance. Il faut savoir que la prévalence des troubles digestifs à l'effort, elle est très fréquente, notamment en course à pied, par rapport à cette onde de choc mécanique. On estime qu'en moyenne, elle est de 30 à 50 % toute distance confondue, toute pratique confondue au niveau de la course à pied. Mais sur des efforts d'ultra, par exemple, on a 85 à 90 % des athlètes qui vont être sujets à des troubles digestifs, à un moment donné, de type haut ou bas, en fonction des situations. Donc c'est vraiment un enjeu qui est très important, en termes de performance. Non pas que ça va améliorer les performances, mais, quand je dis ça, je pense au fait d'avoir un confort digestif pendant la compétition. Par contre, effectivement, des troubles digestifs peuvent être une source d'abandon, ou en tout cas de baisse importante de la performance. Donc c'est un élément qui est central, dont on parle effectivement de plus en plus. (14:12 - 15:07) Donc ça, c'est le côté lié à la muqueuse. Ça doit être un sujet très compliqué, parce que, comme vous le disiez, ce n'est pas toujours associé à des symptômes pendant l'effort, et donc ça doit être un petit peu la peur de passer à côté de quelque chose comme ça chez le sportif, qui veut performer. Et s'il y a cette perméabilité intestinale ou autre, il va peut-être avoir une chute dans ses performances, mais ça va être compliqué de faire le lien avec cette perméabilité intestinale, s'il n'y a pas de symptômes digestifs associés. En fait, on n'a pas objectivé d'altération des performances, même quand on a une hyperperméabilité. Par contre, c'est plus les effets sur le long terme, avec l'apparition de troubles fonctionnels et ce foyer d'inflammation de bas grade, où on va avoir potentiellement des tendinopathies, des difficultés de récupération, une augmentation des risques de blessures, une augmentation de la susceptibilité infectieuse également. Donc ça, ça nous ramène au troisième élément du trépied. (15:08 - 17:28) Et on sait qu'au cours de l'effort, on va avoir une production importante de cytokines pro- inflammatoires, puisque, par nature, la pratique sportive est un stimulus inflammatoire en soi. Et on a notamment beaucoup étudié le comportement d'une cytokine qui s'appelle l'IL-6, et on voit que sur des efforts d'ultra-endurance, je pense notamment à une publication qui a été faite auprès d'athlètes qui ont réalisé la Western Slice, donc c'est une course de 160 km, un peu l'équivalent de l'UTMB aux Etats-Unis, et qui a montré que les finishers avaient un taux d'IL-6 qui était environ 50 fois plus important que la valeur basale. Donc, en fait, on a un contexte qui est effectivement pro-inflammatoire, et on sait qu'on a une fenêtre immunitaire pendant les jours et les semaines qui suivent ce type d'épreuve, même après un marathon, parce que là on parle d'épreuve d'ultra-endurance, mais de manière moins forte, on le retrouve aussi sur des courses plus courtes. Et, en fait, cette fenêtre immunitaire amène à une susceptibilité infectieuse, et on voit que chez des athlètes qui sont en bonne santé, qui sont bien entraînés, le taux d'IL-6 va revenir beaucoup plus rapidement à la normale. Je parle de l'IL-6, mais on pourrait parler de TNF-alpha, d'IL-1-bêta, d'autres types de cytokines, mais globalement il y a une capacité de l'individu à revenir à un état d'homéostasie au niveau inflammatoire et au niveau immunitaire, ce qui fait qu'il récupère bien et qu'il va pouvoir enchaîner avec d'autres objectifs ou autres. Et on a des athlètes qui restent avec un bruit de fond inflammatoire, et notamment on a, après l'effort, une susceptibilité infectieuse virale. En fait, on a une baisse de la voie Th1 dans la balance Th1-Th2. Alors, j'espère que je ne suis pas trop technique dans les éléments, mais cette baisse Th1 augmente les risques infectieux, notamment au niveau respiratoire. On parle d'HERTI pour l'acronyme anglo-saxon à ce niveau- là, et donc on voit que des athlètes qui vont cumuler des facteurs de perméabilité intestinale par leur mode de vie, indépendamment de la pratique sportive, vont être sujets potentiellement à des troubles fonctionnels, où je parlais ici de susceptibilité infectieuse, de manière plus fréquente que quelqu'un qui, finalement, aurait pris soin de son écosystème intestinal. (17:29 - 18:01) Donc ça va vraiment bien au-delà simplement de la question du confort digestif à l'effort, et c'est même quelque part assez paradoxal avec la mode qu'on a actuellement dans le sport d'endurance, qui est de se dire je vais apporter le maximum de glucides au cours de l'effort pour limiter le risque d'hypoglycémie. Alors ça, c'est des débats qu'on a depuis des décennies dans le monde de la nutrition, du sport. Mais aujourd'hui, on a des recommandations parfois à 120 grammes par heure de glucides au cours de l'effort, ce qui est énorme. (18:02 - 20:28) 120, on a des protocoles même à 150 grammes par heure, et la question, en fait, de l'impact de ce modèle hyper glucidique sur l'intégrité de l'écosystème intestinal, en fait, cette question n'est pas aussi résolue qu'on pourrait l'imaginer, et on n'a pas de recul. Et c'est surtout que, pour avoir une capacité à tolérer de telles quantités de glucides pendant l'effort, ça sous- entend que les athlètes se mettent à consommer beaucoup de glucides dans les semaines, dans les mois qui précèdent, ou de manière quotidienne. On parle aussi de gut training, c'est-à- dire de capacité à adapter le système digestif justement à recevoir plus de glucides au cours de l'effort. Donc finalement, on est dans des recommandations dans un but énergétique qui sont pas forcément compatibles avec la notion de prendre soin de l'écosystème sur du long terme. Et le deuxième aspect, c'est le microbiote, où effectivement, si on regarde là aussi la littérature, puisqu'on commence à en avoir un certain nombre, on voit que la pratique sportive, notamment chez l'enfant, la pratique régulière, est plutôt un facteur d'augmentation de la diversité du microbiote, de l'alpha-diversité. Donc ça, c'est un élément qui est, bien sûr, très positif, et se pose la question de l'impact d'une pratique sportive intensive sur le microbiote. En fait, on a toujours cette courbe un peu en U, c'est-à-dire on voit que l'activité régulière va exercer un effet bénéfique jusqu'à un certain stade, qui peut potentiellement devenir délétère, et à ce niveau-là, en fait, quand on regarde là aussi la littérature, en fonction du type de sport, on sait qu'on peut avoir des modulations de la nature du microbiote. Alors, ça a été étudié chez des sportifs en résistance, en musculation, des sportifs en endurance, et on voit qu'effectivement, des sportifs réguliers, et plutôt de bon niveau, vont avoir des profils bactériens différents des sportifs, soit d'autres pratiques, ou des sportifs d'un niveau moins important. La question est de savoir, est-ce que c'est la nature du microbiote qui va prédisposer la personne à être plus performante, ou est-ce que c'est le mode de vie de cette personne-là, par l'optimisation, en fait, de la performance, qui va changer aussi la composition du microbiote ? On voit qu'il y aurait probablement des deux. (20:29 - 21:09) Ça a été notamment documenté au départ, quand on a comparé les microbiotes de personnes qui sont, qui pratiquent la musculation, des personnes qui pratiquaient l'endurance, et on a vu effectivement des profils qui pouvaient être très différents au niveau du microbiote, sauf que l'alimentation inhérente, en fait, à ce type de pratiques, peut elle aussi être très différente, si je caricature. Dans l'endurance, on va faire la parbelle aux lucides, dans la résistance ou la muscu, on va faire la parbelle aux protéines, avec souvent des shakers, des grandes quantités de protéines, on va avoir une mastication qui n'est pas forcément suffisante. Donc parfois, on peut développer une fermentation pour la partie glucidique, développer une putréfaction pour la partie protéique. (21:09 - 21:32) Donc, on voit que le fait de pratiquer une activité donnée va engendrer un changement alimentaire, et que ce changement alimentaire peut impacter le microbiote. Mais on voit aussi que la nature initiale du microbiote aurait tendance à prédisposer l'athlète à être plus performant dans un type de pratiques. Et là, ça a été notamment documenté chez les sportifs d'endurance. (21:32 - 22:07) On a notamment une publication qui date de 2019 de mémoire, qui avait été faite chez les marathoniens de Boston, les gens qui ont fait le marathon de Boston. Et on a vu que non seulement les finisseurs, mais ceux qui avaient un bon chronomètre, avaient davantage de certaines bactéries, notamment prévotella. Et en fait, on a observé que cette dominante de prévotella était plutôt un facteur qui était positif, puisqu'on avait un recyclage de l'acide lactique lié à la production au cours de l'effort qui était plus efficace. (22:08 - 22:27) Et ce recyclage était associé à une production d'acide gras à chaîne courte, qui était également plus important. Donc, on voit que la notion de production d'acide gras à chaîne courte issue du microbiote serait un élément également de performance, indépendamment des facteurs liés à la santé. Là, on parle vraiment notamment de l'endurance musculaire. (22:28 - 22:51) Et je pense notamment à deux autres publications qui ont été faites sur des modèles précliniques, sur des souris. Et on a vu que des souris qui disposaient d'un microbiote avaient une endurance musculaire plus importante que des souris axéniques, c'est-à-dire des souris à qui on avait enlevé le microbiote. Et en fait, là aussi, ça a été assez facilement objectivé, c'est-à- dire qu'on a pris les souris, on leur a fait faire un effort. (22:51 - 23:23) Elles ont eu cette endurance plus élevée que quand elles ont refait l'effort sans microbiote, une fois qu'elles étaient axéniques. Et en réimplantant le microbiote, on a vu une amélioration des performances. Et les conclusions des auteurs à ce niveau-là ont été d'évoquer le fait que les acides gras à chaîne courte qui étaient donc issus du microbiote étaient potentiellement des substrats énergétiques secondaires qui pouvaient venir retarder l'épuisement du stock de glycogène au cours de l'effort et donc améliorer l'endurance musculaire. (23:24 - 24:21) Et après, je pourrais continuer sur plein d'aspects, je vais peut-être m'arrêter là, mais juste peut-être un dernier élément, c'est qu'on voit qu'effectivement, quand on parle de prévotella ou des profils bactériens, une donnée émergente est de dire que finalement, les sportifs qui sont plus performants auraient des bactéries qui seraient également plus résistantes dans des conditions hostiles au niveau énergétique. Et ce qui est en fait quelque chose de logique quelque part, puisqu'on peut se dire qu'un athlète d'endurance performant va être capable d'être plus résistant et d'avoir un meilleur rendement énergétique, finalement, les bactéries se comporteraient un petit peu de la même façon. Alors, je mets beaucoup de conditionnels parce que c'est des données qui sont très récentes, mais qui sont passionnantes parce que ça montre qu'effectivement, le microbiote a un impact très important sur la performance et bien entendu, sur la santé, qui elle-même va déterminer la performance sur le moyen et long terme. (24:21 - 24:44) Donc, il y aurait beaucoup de choses à développer autour de ça. Oui, parce qu'au final, vous dites que tout ça, au final, ça vient agir sur le triptyque dont vous parlez, qui est la récupération, l'immunité et la performance. Oui, quand je parlais de triptyque aussi, entre le microbiote, la muqueuse et le système immunitaire, mais je n'ai pas parlé après de trio, mais sur le côté performance ou l'effort. (24:44 - 25:00) Mais par contre, effectivement, ce que je dis toujours, c'est qu'un sportif ne peut être performant qu'à partir du moment où il est en bon état de santé. C'est-à-dire qu'on a une course actuellement à apporter des solutions de miracle dans le monde du sport, comme dans d'autres domaines. Et moi, j'appelle ça la cerise sur le gâteau. (25:01 - 25:21) C'est-à-dire qu'effectivement, de se poser la question du nombre de glucides qu'on va consommer au cours de l'effort, de savoir s'il faut plutôt une boisson avec telle ou telle quantité de sodium, c'est des éléments qui sont intéressants en soi. Mais la base, le fondamental, c'est ce qu'on va manger au quotidien, si on parle du critère nutrition. Et là, il y a une marge de progression qui est très importante pour beaucoup d'athlètes. (25:22 - 25:46) Et la performance, je la définis souvent comme l'optimisation de toutes les fonctions physiologiques qui auront répondu favorablement aux adaptations attendues de l'entraînement. Concrètement, quand vous faites un effort musculaire, vous créez un stress, vous créez un facteur de désadaptation. Et tout l'enjeu, c'est que cette désadaptation reste locale, contrôlée et ponctuelle, ce qui va amener à une amélioration des capacités. (25:47 - 26:10) Et malheureusement, à un moment donné, pour plein de raisons, dont l'alimentation, le sommeil, la programmation d'entraînement, etc., on peut basculer dans une désadaptation qui va devenir chronique, non contrôlée et systémique. Donc en fait, l'enjeu de la nutrition, c'est juste de permettre de maintenir un état d'homéostasie avec un facteur de stress qui est la pratique sportive. Et ce n'est pas simplement de se poser la question de combien de glucides on prend au cours de l'effort. (26:11 - 26:34) Et ça mène au sujet du microbiote, c'est-à-dire comment on peut prendre soin de son microbiote dans le quotidien pour faire en sorte d'être performant par ailleurs. Et au final, il y a une base qui est commune entre le sportif et la personne qui n'est pas spécialement sportive de haut niveau. C'est d'avoir ce microbiote qui est en forme, ne pas avoir de perméabilité artestinale. (26:35 - 26:46) D'hyperperméabilité. Voilà, c'est ça. Disons que l'hyperperméabilité, elle est physiologique, mais elle doit rester transitoire et entre guillemets acceptable. (26:46 - 27:11) Là où elle devient problématique chez l'athlète, c'est notamment, encore une fois, quand elle se chronicise et qu'elle se cumule à d'autres facteurs. C'est pour ça que j'ai peut-être été un peu théorique et j'ai développé pas mal d'éléments, mais c'est important à resituer par rapport au contexte et surtout au conseil qu'on peut être amené à donner justement dans la nutrition pendant l'effort. Du coup, c'est ça qui peut parfois être compliqué, comme vous disiez que ce n'est pas toujours associé à des symptômes digestifs. (27:11 - 28:14) Est-ce qu'il y a certains signes concrets qui pourraient alerter le sportif pour se rendre compte que son microbiote ou sa permeabilité intestinale n'est pas optimale ? Alors, j'ai envie de vous dire, effectivement, comme là, monsieur, madame, tout le monde, c'est-à-dire que dans notre anamnèse en tant que professionnels, c'est effectivement d'évaluer les troubles fonctionnels qui sont en lien avec une dysbiose intestinale, avec une hyperpermeabilité, de s'appuyer sur les marqueurs, que ce soit l'ALBP, que ce soit la zonuline, la calprotectin fécale, on a pas mal de marqueurs aujourd'hui qui peuvent nous aider d'avoir un mou, donc sur l'analyse des métabolites organiques urinaires. En fait, on a quand même beaucoup plus d'outils qu'on en avait il y a quelques temps pour objectiver un petit peu la situation. Et puis au niveau de l'anamnèse clinique, effectivement, c'est de regarder quelles sont les manifestations possibles au niveau inflammatoire, au niveau immunitaire. (28:14 - 28:35) Et c'est pour ça que je parlais tout à l'heure de susceptibilité infectieuse, de difficultés de récupération, de blessures à répétition, de tendinopathie, d'altération des performances, bien entendu, de modification de l'humeur aussi, on pourrait développer cet aspect. Et je dirais que ça, c'est pas spécifique du tout aux sportifs. Et c'est aussi pour ça que je dis tout le temps que le sportif n'existe pas. (28:36 - 28:55) En fait, le sportif, c'est un individu auquel on rajoute un facteur de stress hormétique supplémentaire, qui est la pratique sportive. Mais c'est là où la vision globale du mode de vie de l'individu, et des troubles fonctionnels qu'il va pouvoir manifester, est essentielle, en fait. On va le corréler après avec la pratique. (28:55 - 29:24) Mais si on n'a pas cette analyse centrale, finalement, on peut vite se tromper de direction par rapport à ça. C'est plus, encore une fois, l'existence de troubles digestifs. Alors on peut parler de ballonnement, de douleurs inflammatoires, douleurs intestinales ou autres, mais surtout ces problématiques extra-digestives chroniques d'ordre immunitaire inflammatoire, voire les perturbations hormonales, notamment sur l'altération du cycle du cortisol, il y aurait là aussi pas mal d'éléments à développer. (29:24 - 30:25) Mais c'est sur quoi on va s'appuyer pour voir si à un moment donné, il y a une problématique chronique qui s'est installée chez l'athlète, au-delà simplement du trouble pendant l'effort, comme des diarrhées ou des vomissements, etc., qui sont très fréquents, de manière quasi inhérente à la pratique. Oui, surtout qu'en plus de la contrainte sportive, comme vous disiez à un moment, il y a aussi la contrainte nutritionnelle qui se met, tant justement, parce que si on doit consommer énormément de glucides ou si on doit consommer énormément de protéines, il y a des problèmes qui peuvent être liés à cette surconsommation, mais il y a aussi, du coup, j'imagine, le peu de place qui reste au reste des aliments. Du coup, comment est-ce que vous gérez ça avec le sportif ou avec même ce Madame Tout-Le-Monde qui a des régimes parfois, parce qu'on a entendu parler des régimes hyperprotéinés et tout ça, notamment dans toutes les personnes qui voulaient perdre du poids, j'imagine que ça a dû causer aussi un petit peu certains impacts négatifs sur le triptyque dont on vient de discuter. (30:27 - 31:06) Comment est-ce qu'on fait pour permettre ici, dans le cadre du sportif, d'avoir une nutrition un petit peu orientée et fort, mais tout en conservant l'équilibre ? C'est toute la question. C'est-à- dire que c'est là où je parlais tout à l'heure un peu de cette tendance à être dans l'hyperglucidique, parce qu'effectivement, qu'est-ce qui va déterminer l'arrêt de l'effort d'un point de vue énergétique ? C'est l'épuisement des stocks de glycogène. Après, un athlète peut arrêter, peut abandonner, peut altérer ses performances pour plein de raisons, mais nutritionnellement, pendant l'effort, c'est vrai que le glycogène est un facteur limitant qui est très important, notamment le glycogène musculaire. (31:06 - 31:20) Donc on a eu toute une stratégie qui vise à optimiser les stocks de glycogène, voire les sursaturer. On peut parler de RDS, de régime dissocié scandinave. On a beaucoup de modèles. (31:20 - 31:42) Aujourd'hui, on parle beaucoup de train low, de slip low, c'est-à-dire ce qu'on appelle la périodisation nutritionnelle. Je ne vais peut-être pas développer ça, parce que sinon on va partir dans d'autres méandres à ce niveau-là qui ne sont pas spécifiques aux microbiotes. Mais en fait, on a tendance, malheureusement trop souvent, à se focaliser sur la partie énergétique de la performance. (31:42 - 32:00) Ce qui amène à des modifications de l'alimentation au quotidien et des modifications de recommandations d'apport. C'est pour ça que je parlais des 120 grammes heure tout à l'heure. Et à oublier un petit peu l'importance de la qualité de l'alimentation sur toutes les réponses adaptatives qui sont liées à l'effort. (32:00 - 32:16) C'est pour ça que je parlais tout à l'heure aussi de la définition de la performance. C'est-à-dire que ce qui fait que l'athlète va être performant, c'est qu'il est capable de s'adapter aux différents stimuli de son environnement, que ce soit la pratique sportive ou d'autres aspects. Et le statut en acide gras est essentiel. (32:16 - 32:45) Donc la qualité des graisses qu'on peut objectiver avec un profil en acide gras, c'est un élément qui est bien sûr très important. Les apports en oméga 3 à l'enchaîne, la diminution de l'acide arachidonique, d'avoir des statuts en antioxydants qui soient aussi adaptés, donc les teneurs en polyphénol, d'avoir un bilan de stress oxydatif qui soit bon également. Parce que de manière inhérente à la pratique, on crée un stress oxydatif important. (32:47 - 33:27) L'athlète doit, d'un point de vue physiologique, être capable d'intégrer ce stress-là pour avoir une bonne réponse globale. Et on a des athlètes qui présentent des vraies perturbations du bilan de stress oxydatif, parce que soit leur alimentation a une mauvaise qualité, soit c'est un sommeil qui est insuffisant, soit il y a trop de polluants, il y a plein de facteurs qui peuvent expliquer ça. Mais s'appuyer sur la biologie peut vraiment aider, d'avoir une alimentation avec des épices, des aromates, des fruits, des légumes frais, d'avoir des apports alimentaires au niveau de la chronobiologie qui soient aussi adaptés. (33:27 - 33:52) Parce que c'est vrai qu'on a beaucoup d'athlètes qui vont manger beaucoup plus, parce que l'effort amène à une dépense calorique plus importante, mais parfois de manière complètement anarchique et déstructurée. Donc il y a plein d'axes sur lesquels on peut travailler, qui ne sont pas des axes de performance directe, mais qui sont des axes de santé qui, elles, vont déterminer la performance. Et c'est vrai que ça change quand même beaucoup. (33:52 - 34:12) C'est-à-dire que début des années 2000, dans les années 90, on occultait beaucoup cet aspect, pour beaucoup. Ça fait ma première équipe de France au sens du suivi nutritionnel, à la date de 22 ans aujourd'hui. Donc à l'époque, c'était assez pionnier de parler de ces éléments-là. (34:13 - 34:32) Là où aujourd'hui, c'est devenu quelque chose, je n'ai pas envie de dire de routinier, mais quand même assez fréquent. Donc c'est sortir du cadre des glucides, uniquement pour aller optimiser tous les facteurs sur lesquels on peut agir au niveau micronutrition, au niveau nutrition. Et ça évolue dans le bon sens. (34:32 - 34:36) Mais voilà, il y a encore du travail. Donc je ne sais pas si je réponds à la question. Non, non, oui c'est ça. (34:36 - 35:02) Après, de nouveau, je pense que ce qu'on en retire, c'est en effet, c'est bien, par exemple, peut- être d'augmenter sa charge de glucides ou de protéines dans certains cas, mais il faut faire attention à ce qu'il y a quand même le reste qui s'accompagne. Et le but, que ce soit pour un sportif de haut niveau, ou pour monsieur, madame, tout le monde, il faut une base saine et c'est de là qu'on peut performer, que ce soit dans le sport ou dans le travail, ou dans sa vie de famille ou autre.